Oracle, faits surprenants et peu connus
Ce que l'ont ne sait pas sur une des entreprises informatiques les plus détestées.
Les grandes firmes de l'informatique, outre qu'elles sont toutes adeptes du double sandwhich irlandais (double Irish arrangement), une sorte de transfert fiscal qui leur permet de ne pas payer d'impôts, ne reculent devant aucun mauvais coup pour gêner les concurrents et augmenter leurs profits. Nous allons voir ici quelques faits peu connus et surprenants sur la firme Oracle, qui s'est enrichie en fournissant des gestionnaires de bases de données. La moins appréciable étant qu'elle tente en 2013 de rendre les API copyrightables, ce qui transformerait le métier de développeur en celui de juriste.
Siège social d'Oracle en Californie
- Le symbole courant pour une base de donnée est une pile de disques. C'est à quoi ressemble le quartier général d'Oracle à Redwood Shores. Mais il se trouve que cela ressemble aussi à une pile de pièces de monnaie.
- En 1983, Larry Ellison est très mécontent d'un benchmark réalisé par un professeur de l'université du Wisconsin qui montrait que la base de données Oracle était plus lente que les autres bases couramment utilisées à l'époque. Il a demandé à l'université le renvoi de ce professeur, M. DeWitt, ce qu'il n'a pas obtenu. Pour ce venger, Ellison a décidé de ne plus engager d'ingénieurs diplomés de cette université. Le contrat de licence d'Oracle DB contient depuis cette époque la clause suivante, que l'on appelle "clause DeWitt":
Vous ne pouvez pas rendre public les résultats de tout programme de benchmark sans la permission écrite préalable d'Oracle.
- Oracle a l'habitude d'engager ses détracteurs et ses opposants pour qu'ils deviennent ses soutiens. C'est le cas de John Ashcroft qui en tant que ministre de la justice s'est opposé à ce qu'Oracle obtienne un contrat, mais après son départ a été engagé par Oracle et l'a aidé à obtenir le même contrat. C'est aussi le cas du blogueur Florian Mueller qui après avoir attaqué Oracle dans ses articles, a été engagé par la firme et depuis est devenu son plus ardent défenseur, ainsi que celui d'Apple. Voir la pile de monnaie plus haut.
- Le trashgate. En 2000, alors que Microsoft, compétiteur d'Oracle, était sous le coup d'une investigation pour monopole, Oracle a engagé des détectives pour fouiller les poubelles des entreprises alliées de Microsoft et trouver des preuves à charge contre son concurrent. Quand Larry Ellison, le CEO a été interrogé à ce sujet, il a retorqué:
"Et bien nous allons envoyer nos ordures à Microsoft, et ils vont se débrouiller avec çà."
- Les logiciels commerciaux concurrents d'Oracle sont SQL server. Informix d'IBM et le troisième est Sybase dont le code source a été partagé avec Microsoft qui en a fait SQL Server mais qui a continué son chemin et a été racheté par SAP. Mais Oracle DB a aussi un concurrent gratuit: PostgreSQL.
Voici le classement des bases de données les plus populaires en 2019 selon ScaleGrid. Oracle ne représente que 1.8% du total. Mais la compagnie se rattrape avec le prix des licences! - Oracle propose une version gratuite de sa base de données nommée Oracle Express qui est limitée à 4 GO de données et à un seul processeur. Microsoft propose l'équivalent avec SQL Server Express dont la limitation est de 10 GO par base.
- Aucun des grands sites du Web tels que Twitter, Facebook ou tout autre n'utilise l'Oracle Database. La plupart utilisent MySQL, un logiciel open source, complété par HBase et Redis. Wikipedia utilise MariaDB. Voir les bases de données des sites web.
- Certains analystes estiment que la technologie d'Oracle est dépassée. C'est le cas de Michael Stonebraker, créateur d'Ingres et PostgreSQL. Parce que la technologie d'Oracle est entièrement basée sur le disque dur (avec mémoire cache ou non), alors que la taille des RAM actuelles permet de faire fonctionner entièrement une base de donnée en mémoire. Ce sera encore plus le cas avec les nouvelles mémoires persistantes comme 3D XPoint. De nouveaux gestionnaires de bases de données apparaissent pour tirer parti de ce nouveau hardware: Hana de SAP et VoltDB. Leurs performances n'ont pas d'égal dans les produits d'Oracle, IBM ou Microsoft.
- Oracle et HP, les deux ennemis. Ces deux là se font procès après procès. Quand Oracle décide de ne plus supporter les processeurs Itanium de HP avec ses logiciels, et les remplacer par ceux de Sun qu'il a racheté en 2010, HP lui fait un procès car il y avait un contrat entre les deux entreprises.
HP a obtenu 3 milliards de dollars de dommages et intérêts en juin 2016. On décrit souvent Oracle comme une entreprise avec plus de juristes que de programmeurs. Ils ne sont pas les meilleurs juristes non plus comme cela a été confirmé par leur défaite contre Google aussi. - Oracle a fait un procès à Google en 2012 et réclamait 6 milliards de dollars, sous le motif que la machine virtuelle Dalvik enfreignait ses brevets et qur le code d'Android copiait celui de Java. Le juge a estimé qu'aucun brevet n'était violé et constaté que seules neuf lignes de code (sur 15 millions) étaient copiées dans Android. En fait elles avaient été écrites par un programmeur de Google et données à la communauté ce qui les faisait passer sous copyright d'Oracle. Pour sauver la face, Oracle a alors poursuivi Google pour avoir utiliser ses API, le nom des classes de la bibliothèque Java.
- Les API ne sont pas sous copyright, cela depuis l'origine c'est pourquoi on a pu imiter le BIOS d'IBM et permettre le développement des PC compatibles. Mais Oracle, s'obstinant à vouloir obtenir quelque chose de Google lui fait un procès pour ses API. Alors que la procédure arrive en appel, 32 spécialistes de l'informatique ont écrit une lettre ouverte pour s'opposer à cette action.
Le tribunal d'appel a donné raison à Oracle sur le fait que les API étaient sous copyright, à la suite de quoi Google a remplacé l'API Java par OpenJDK sous licence libre avec le même effet. Lors d'un second procès, le jury a estimé qu'il y avait fair-use dans l'utilisation des API Java, donc toujours zéro dollars pour Oracle. Le jugement a été confirmé ensuite par la Cour Suprême. - Le Google Transparency Project est un groupe dont le seul but est de dévoiler les efforts de lobbying faits pas Google. Devinez qui est le principal financier? Oracle, qui l'a reconnu publiquement.
"Don't make the mistake of anthropomorphizing Larry Ellison".
Trad: "Ne commettez pas l'erreur de faire de l'anthropomorphisme quand à Larry Ellison".
C'est une citation de Bryan Cantrill qui ne voudrait pas que le CEO d'Oracle soit comparé à un être humain.- Le 13 mars 2017, Oracle écrit au FCC, l'organisme de régulation des télécommunications pour les féliciter d'avoir abandonné tous les objectifs de la précédente direction, remplacée par Donald Trump. On les félicite d'avoir abandonné la neutralité du Net, d'interdire d'utiliser des box personnelles pour remplacer les box coûteuses des opérateurs. Qu'est-ce qu'Oracle à a voir avec les box que les américains utilisent pour regarder la TV? Rien, sauf le fait que ces box indépendantes fonctionnent sous Android!.
Une chose est sûre, cette compagnie ne se soucie vraiment pas d'être détestée par les consommateurs, qui ne sont pas ses clients directs. - Depuis sa défaite devant un tribunal (une honte pour une compagnie qui a presque plus d'avocats que de programmeurs), lequel a jugé "fair use" l'utilisation de Java par Google, Oracle ne décolère plus et a fait de Google son nouvel ennemi après HP. Oracle n'a pas de boutique en ligne, mais quand Yelp, News Corp et autres se sont plaint de Google auprès de l'Union Européenne, Oracle s'est empressée de se joindre à eux. La compagnie est allée jusqu'à faire passer une loi aux USA sur la protection de la vie privée juste pour embêter Google. (Source Vox).
- En août 2018, un groupe d'investisseurs a fait un procès à Oracle pour tromperie. Oracle leur aurait assuré l'année précédente que ses clients se convertissaient massivement vers ses services de Cloud, mais en réalité, Oracle n'ose même plus publier ses statistiques de ventes dans ce domaine. La plainte décrit explicitement des tactiques d'intimidation et de menaces envers les clients pour les obliger à se diriger vers ses services de cloud. Ce qu'ils ne sont pas pressés de faire, car les concurrents, AWS, Azure ou Google Cloud sont plus intéressants. Et moins inquiétants!
Source Bloomberg. - IAP, Internet Accountability Project, est une association fondée pour contrer la menaces de grandes entreprises du Web. Elle a supporté Oracle dans son procès contre Google qu'elle présente comme une menace pour la société et également contre Microsoft. Ce sont en faits ses deux seules cibles, et qui se trouvent être les concurrents directs d'Oracle sur le cloud ou dans les logiciels. IAP a toujours refusé de nommer ses donateurs mais en février 2020, Oracle a reconnu avoir versé 125.000 dollars à l'association (Source Bloomberg.com).
- Selon The Intercept, Oracle vend des logiciels de surveillance et d'aide à la répression des manifestations à la Chine et à d'autres pays autoritaires. Elle la qualité de ces logiciels en disant qu'ils ont été testé aux USA, certains d'entre eux avec l'aide de la CIA. Qui contribue ainsi à aider des régimes hostiles aux Etats-Unis. Un de ces logiciels se nomme Endeca et aide la police à surveiller les réseaux sociaux. Un document d'Oracle confirme le contenu de ce reportage.
- Oracle a dû payer 23 millions de dollars d'amendes en septembre 2022 au SEC pour avoir versé des pots-de-vin à des membres de gouvernement étrangers, pour qu'ils achètent ses produits. Oracle annonce que cette pratique est contraire à ses valeurs et qu'elle va enquêter pour trouver le coupable. Il sera facile à trouver.
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Popularité des bases de données en 2019 par ScaleGrid
Popularité des bases de données en 2019 par ScaleGrid
Voir aussi: Oracle contre Google, un procès cynique.