Nokia et Blackberry et le principe de différenciation
Quelle a été l'évolution des deux compagnies, leader de leur marché, face à un produit entièrement nouveau?
Face à l'apparition de cet appareil, la réaction n'a pas été tout à fait la même. Chez RIM, créateur de la gamme Blackberry très appréciée dans les entreprises, on s'est amusé face à ce jouet pour enfants. Chez Nokia on est un peu déconfit car l'entreprise avait elle même conçu des prototypes similaires et n'avait pas voulu les exploiter. Mais l'iPhone étant un produit onéreux tandis que Nokia fournit des appareils bon marché aux masses, on ne s'est pas plus inquiété dans l'entreprise finnoise que dans l'entreprise canadienne.
Le fait est que les ventes, dans les deux cas, n'ont cessé de progresser après l'apparition de l'iphone en juin 2007, cela jusqu'en 2010. Depuis 2010, c'est une autre histoire. Ce que l'on n'a pas compris dans les managements des deux entreprises, c'est que les habitudes des utilisateurs allaient changer, qu'il trouveraient dans les smartphones un substitut aux ordinateurs pour certaines applications usuelles, la messagerie surtout, et donc que ces appareils allaient remplacer les mobiles traditionnels, que ce soit dans l'entreprise ou dans l'usage quotidien.
Ces chiffres concernent les USA, mais reflètent la situation mondiale
Nokia se différencie avec Windows Phone
Jusqu'en 2007, le système Symbian utilisé par Nokia (et racheté à une compagnie tierce, c'est important de le souligner), représentait plus de 60% de parts de marché mondiales. Notons que la graphique ci-dessus concerne les USA. Nokia a continué d'avoir une croissance dans le domaine des smartphones, tout comme Blackberry, mais moins qu'Apple. C'est seulement avec le succès croissant d'Android et de Samsung qu'en 2010, la chute de Nokia a commencée. Pour y répondre, la firme a estimée que son système maison, Meego, basé sur Linux et Qt, n'était pas encore mûr et préfère passer à Windows Phone. Une autre solution aurait été d'adopter Android et ainsi de disposer d'emblée d'une quantité d'applications, mais la firme voulait se différencier. Il est possible aussi que le nouveau PDG, Stephen Elop, venu de Microsoft, ait une vision biaisée.
Cela n'a pas été une grande réussite puisque les parts de marché et le cours en bourse n'ont cessé de chuter, jusqu'à l'annonce du rachat par Microsoft en 2013. Et le retour de Stephen Elop chez Microsoft!
Blackberry se différencie avec QNX
Blackberry mettait tous ses espoirs sur le Z10, un smartphone basé sur le système QNX renommé Blackberry OS. Cela a été un échec retentissant et une perte de 900 millions de dollars de stocks invendus.
Comme Nokia, la société RIM, renommée aussi Blackberry - ce nom ne porte pas vraiment bonheur - voulait se différencier avec son propre OS. Elle rachète donc QNX en 2010, un système intéressant dans sa conception distribuée, mais pas conçu pour les smartphones. La conversion du système et des logiciels basés sur Java sur ce système s'avère plus longue et difficile que prévue. Les produits, à savoir la tablette Playbook puis le Z10 ne sont pas aboutis. La tablette n'a pas de messagerie qui est pourtant le premier service offert par les anciens smartphones Blackberry.
Il est clair qu'en voulant se différencier, le constructeur a accumulé les handicaps - très peu d'applications, un système pas au point - sans apporter quoi que ce soit de plus pour séduire le consommateur.
Pour montrer à quel point les dirigeants sont déconnectés des consommateurs, le fondateur et dirigeant (jusqu'en 2012) Mike Lazardis, pensait que pour rebondir, la compagnie devait cesser de fabriquer des smartphones à écran large, estimant que ce la compagnie savait faire le mieux, c'était des mobiles à clavier physique!
Le principe de différenciation en question
Confrontées au même problème, ne pas disposer d'un OS pour smartphone tactile, les deux entreprises ont réagi de la même façon. Elle ont refusé d'adopter Android, un OS prêt à être utilisé et gratuit pour ne pas être vues comme un autre fabricant de mobile a écran tactile utilisant Android, et ont préféré utiliser un OS particulier, afin de se différencier.
Ce principe est valable tant que l'OS "différent" est supérieur à l'OS commun, mais comme ce n'est pas vraiment le cas, il est même pire dans le cas de QNX car moins adapté à la fonction, je ne comprend pas trop le principe de la différenciation. Est-ce que l'on veut être différent uniquement pour cacher le fait qu'on ne fait pas de meilleurs produits que les autres?
Car les utilisateurs quand à eux, ne demandent pas cette différence. La preuve en est que Samsung, qui copie sans aucune retenue les produits d'Apple est actuellement le leader du marché.
Je crois que les utilisateurs veulent au contraire quelque chose qu'il connaissent, le système iOS ou Android, et surtout les applications qui fonctionnent sur ces systèmes, plutôt qu'un nouveau système x, y ou z qu'ils ne connaissent pas.
A charge du fabricant de proposer des fonctions en plus.
Nokia nous a prouvé qu'elle était capable d'apporter au matériel ces fonctions en plus, avec par exemple la recharge sans fil et une vidéo de qualité supérieure.
Epilogue
On sait ce qu'il est advenu des deux entreprises. Blackberry est passée de 47% à 2% de part de marché. Son dernier espoir, le Blackberry 10 basé sur QNX est un échec total. L'entreprise se retire du marché grand public et s'offre à la vente.
Quand à Nokia, qui à vu dans Windows Phone et une alliance avec Microsoft, un moyen de rebondir, après une descente aux enfers similaire, elle s'est débarassée de son activité mobile auprès de Microsoft.
Mais ce n'est pas l'iPhone qui a tué ces deux entreprises, comme le montre le graphique. C'est plutôt l'ensemble des mobiles à écran tactile, donc Samsung, Sony et tous les autres, plutôt qu'Apple. On peut penser que si les deux entreprises avaient adopté Android et qu'elles s'étaient différenciées l'une par ses services aux entreprises, l'autre pas son matériel, elles auraient pu conserver un part importante du marché, mais on ne le saura jamais avec certitude. Un requiem a déja été chanté pour ces deux losers.